Patrice Balvay

Patrice Balvay

Il accroche au mur une toile montrant du bleu. C’est l’azur, le ciel avec ses étoiles, ses nuages, ses turbulences, ses grands espaces qui s’élargissent sous le pinceau. C’est presque abstrait. Entre deux cigarettes roulées, Patrice Balvay se fait méticuleux pour saisir à deux mains des toiles de formats plutôt petits, sauf une ou deux qui s’étirent en longueur. L’artiste ne parle qu’assis ou qu’après s’être reculé pour prendre la distance nécessaire, après avoir accroché les tableaux aux clous déjà enfoncés dans le mur. À la fois tout en retenue, tout en concentration et volubile lorsqu’il parle de son travail, Patrice Balvay ne cesse de circuler dans son atelier, accrochant et défaisant les toiles qu’il associe par formes ou par époques, créant toujours de nouvelles compositions, sans cesser d’observer ses tableaux. Ce ciel long et étroit, représente-t-il une œuvre caractéristique ? Visiblement non.

D’ailleurs quand on regarde l’ensemble du travail, il parait aller dans toutes les directions. Voici deux grands citrons noirs reliés par une sorte de queue qui joint les deux fruits sur deux feuilles blanches séparées. Ils sont dessinés avec tantôt de vigoureux petits coups de crayons, tantôt un mouvement ample et concentré. Voici un tondo peint dans des tons écrus, terreux, et au centre deux poireaux, qui s’intègrent à ce point au fond bleuté qu’ils sont difficiles à reconnaître. Ailleurs, une femme nue, de dos, présente un citron à bout de bras et tourne la tête. Sous le fruit, une tache blanchâtre, comme un liquide. Peut-être s’agit-il d’une forme destinée à créer un second plan sur la surface de la toile ? Un peu comme avec les poireaux, mais avec plus de netteté. Patrice Balvay utilise différents formats, allongés, étirés, arrondis où les fruits et les légumes, périssables et pourrissants sont recouverts par la peinture ou révélés par son absence.

L’artiste multiplie les formes davantage que les sujets. Où conduit cette diversité ? À une exploration minutieuse qui exprimerait le plus justement possible les obsessions de l’artiste ? Si nous cherchons un fil conducteur dans ce foisonnement formel, Doublure, 2002-2003, 2 (250 x 150 cm), pierre noire sur papier. ENTIÈRE, PAS SEULEMENT COMME UN OBJET OU UN INSTRUMENT, MAIS COMME UNE STRUCTURE DE SENS, nous devrions le trouver dans la fascination que la décomposition des fruits ou des légumes, leur dessèchement, exerce sur Patrice Balvay. Son atelier est d’ailleurs semé d’oranges, de raisins, de citrons flétris, séchés, presque méconnaissables, bruns, noirs, ratatinés. C’est l’objet et la façon de se défaire, de se décomposer qui est au centre de son œuvre et qui en tisse les liens. Le sujet repérable se délite dans la toile de la même façon que le végétal se délite dans l’air. C’est la nature qui s’affirme ici, dans son acte créateur. Ses toiles sont figuratives. Ce n’est pas là l’important. L’essentiel se situe dans la mise au jour des effets du temps sur la matière, et au-delà, du cycle de la nature. De sa peau, de sa chair, de sa pourriture. De sa mort et de sa renaissance. Infinie.

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