Bertran Berrenger

Bertran Berrenger

Bertran Berrenger sont deux artistes et non un seul : Bertran et Berrenger. Ils travaillent ensemble depuis près de vingt ans. Bertran se situe plutôt du côté de la vidéo et Berrenger de celui de la sculpture et du son. C’est la musique qui les a rapprochés aux Beaux-Arts de Rouen et c’est encore elle qui les réunit aujourd’hui. Lors de notre première rencontre, ils m’avaient parlé de leur souhait de montrer davantage leurs installations sonores, leurs sculptures, leurs dessins, leurs éditions, leurs photos… « Généralement nous sommes invités pour nos vidéos, disent-ils, parce qu’on les trouve marrantes et qu’elles sont plus faciles à montrer que nos autres travaux. Ça nous embête un peu. » Pourtant, quand j’étais avec eux, que m’ont-ils montré ? Leurs vidéos… Effectivement le seul travail visible chez eux dans de bonnes conditions, le reste étant consultable sur des documents. Les installations, le travail autour de la lumière et du son, la mise en espace de documents trouvés ou créés qui racontent des histoires, les photos, les objets, tout cela j’ai pu le voir dans une exposition (Galerie Du Bellay) qui donnait une lecture plus complète de leur travail. Leurs vidéos se présentent sous forme de saynètes pleines d’humour et de trouvailles insolites.

L’une d’elles donne à voir les deux artistes, face à la caméra balançant des pétards par terre, chacun correspondant à un son et à un rythme particuliers, proches de ceux d’une batterie. Seulement ici, nous ne voyons aucun instrument, uniquement les gestes des artistes. Dans une performance pour la « Revue parlée » à Beaubourg, c’est le corps d’une chanteuse professionnelle que Bertran utilise comme instrument de musique. Explication : tous deux sont sur scène. La femme commence à chanter, alors Bertran met sa main devant la bouche de la chanteuse et l’éloigne plusieurs fois de suite faisant trembloter la voix, il appuie brusquement sur son ventre pour qu’elle tressaute, ou prenant appui sur ses épaules, il la secoue pour briser la stabilité mélodique… Tout cela pendant que la femme, imperturbable, continue à chanter. C’est drôle et même gonflé ! Assez dans l’esprit de Fluxus. Le son, nous l’avons dit, tient une place importante dans leur travail. L’exposition, près de Rouen, l’illustre bien : ne montre-t-elle pas une vidéo d’un guitariste sans guitare, avec la musique off correspondant parfaitement aux gestes accomplis dans le vide : voilà une interprétation décalée et poétique. Plus loin un fauteuil construit avec de grosses enceintes permet, lorsqu’on s’y assied, d’écouter physiquement la musique que Bertran et Berrenger ont créée, composée d’infra-basses tout en vibrations, et de variations électroniques plutôt minimales. Tout leur travail se situe dans cette tonalité là, et se déploie avec une grande diversité, dans l’innovation et la drôlerie.

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