Route du Rhum : Communiqué N°10

Route du Rhum : Communiqué N°10

2 novembre 2006 – Sagesse et concentration…

Quatrième jour de course. La compétition est acharnée. Et pour sa première transat en multicoque en solitaire, le benjamin de la classe des 60 pieds ORMA continue d’impressionner par la sagesse qu’il déploie dans son projet : mettre en équation à chaque instant son tempérament de compétiteur, une expérience qui reste à construire, le rythme fou des leaders depuis le départ et les qualités de son trimaran, les conditions rencontrées, être suffisamment à l’attaque pour faire marcher la machine au plus vite et rester dans la course, sans prendre le risque d’une casse irrémédiable, n’est pas chose facile…

Analyse :
Les conditions anticycloniques du départ ont donné lieu à une régate en sortie de Manche que tous les skippers savaient déterminante pour leur placement dans le flux de vent portant qu’ils devaient toucher après le passage d’un front le deuxième jour. Dans ces conditions de départ, le jeu est à la régate pure puisque les risques de casse ou de chavirage sont quasi nuls. Si l’activité à bord est très soutenue, le contrôle du bateau génère un peu moins de stress et Antoine a pu pleinement exprimer son talent de régatier et ainsi rester au contact des meilleurs. Le but de ces premières 36h de course était d’éviter les zones de vent faible dues à l’anticyclone centré sur la pointe Bretagne et ainsi être un des premiers à accrocher le flux de Nord/Nord-Est généré par ce même anticyclone dans l’Ouest de son centre. Conscient de l’enjeu, Antoine comme tous les concurrents a dû passer la grosse première journée de course à adapter ses réglages aux nombreuses variations du vent, à barrer sans relâche et à scruter les signes annonciateurs d’un vent plus établi.

Quand le vent est rentré, la course a totalement changé de rythme et les leaders ont imprimé un rythme qu’ Antoine n’a pas voulu suivre pour préserver sa monture et son énergie. À la barre d’un projet qui se doit d’être exemplaire dans sa gestion, le jeune skipper de Sopra Group doit constamment prendre en compte plusieurs paramètres et rester prudent. C’est également un réflexe de sagesse propre à ce que l’on vit pendant une première traversée en solitaire sur un multi de 60 pieds. La course paraît longue et pourtant…Les différents passages à niveau météo donnent quelques fois raison aux bateaux de tête !

Après un beau début de course, il est important maintenant pour Antoine de se fixer sur le tempo des bateaux qui sont à sa portée et de leur mettre la pression en affichant la plus grande régularité de performance possible. La situation météo des jours à venir est assez claire et la flotte va vite progresser vers la bordure Sud de l’anticyclone des Bermudes (les Alizées). C’est donc une route du Rhum très, très rapide. A bord, le travail est constant, et au-delà de la marche du bateau, des manœuvres et de la stratégie météo, il faut également gérer son alimentation, sa récupération et son stress. Mener un 60 pieds en course à 25 nœuds de moyenne est un exercice très pointu qui demande un niveau de concentration exceptionnel et on sait qu’à ce jeu-là, le skipper de Sopra Group est impressionnant.

Si pour Antoine Koch, le classement n’occupait pas la priorité parmi ses objectifs pour cette première Route du Rhum en multi, il reste un compétiteur dans l’âme et sait que les écarts se font et se défont très vite sur ces bateaux.
À ce jour les écarts entre les premiers sont encore faibles (25 Milles = 1h ) et le classement est loin d’être figé, et il en est de même entre lui et ses concurrents directs. La fatigue accumulée peut faire la différence à tout moment et particulièrement à l’approche de l’arrivée, jusqu’au contournement de la Guadeloupe qu’il faut aborder dans un esprit de régate où tout reste possible.

Il faut donc maintenant pour Antoine mettre la pression sur ses concurrents directs et être opportuniste.Route du rhumIl y a toujours des surprises !!

Mail reçu du bord :
« Tout a l’heure les Açores… (je n’y suis pas passé depuis 1997 en Figaro : c’était alors ma première traversée en solitaire et j’espère que c’est toujours aussi beau !).
Ca marque aussi le premier tiers du parcours… la route est encore longue et il y a encore beaucoup d’embûches à éviter !
Au tiers du parcours, je suis dans les temps pour battre le record de Laurent Bourgnon de 2 jours, les premiers, eux, de plus de 3 jours : c’est dire le rythme fou du début de course ! On est rentré comme dans un sprint, et j’ai du mal à croire qu’on en soit qu’au tiers…
Ce qu’ils font en tête est impressionnant et je me demande parfois s’ils pourront continuer longtemps comme ça sans faire d’erreur irrémédiable. Pour ce qui est de moi, je ne suis pas tenté d’en prendre le risque, pour plein de raisons différentes. D’une part, pour le travail effectué depuis des mois que je ne voudrais pas voir réduit en bouillie par imprudence, d’autre part pour mes partenaires et leur confiance placée à l’endroit d’un projet bien mené et jusqu’au bout, et enfin pour le bateau que je veux amener à Pointe-À-Pitre !: il n’y est jamais allé…
Au départ j’étais pas mal, dans le paquet de tête, et quand ça a commencé à se chauffer devant j’ai préféré rentrer dans mon rythme et le tenir jusqu’au bout ce qui est déjà un combat !
J’ai un peu de mal à trouver les bons réglages pour aller vite sous pilote et ça m’handicape un peu mais à part ça tout va bien à bord.»

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