PIERRE CRETON

PIERRE CRETON

Pierre Creton me donne rendez-vous dans un atelier qu’il partage avec une autre artiste. Drôle d’atelier : en fait un ancien presbytère, un potager, une jolie cours… Il vit juste à côté. Pierre Creton a étudié aux Beaux-Arts du Havre, mais il a toujours rêvé de retourner à la campagne, là où il est né, là où il a vécu. Alors, aussitôt ses études terminées, il trouve un travail chez des éleveurs de la région. C’est donc tout naturellement qu’il réalise un film chez eux, parce qu’il les côtoie professionnellement et qu’il a réussi, avec certains, au fil des ans, à tisser des liens plus profonds. Il y a dans ses films une épuration du langage, des images et des événements. Une simplicité qui correspond à l’attitude des paysans qui expriment peu leurs sentiments. La méthode est directe, la technique aussi : des plans séquence, peu de mots, mais des regards et des petits gestes qui peuvent en dire long. Dans ses films on peut voir pendant plus d’une heure des fermiers dans une étable s’affairer autour des vaches, une moissoneuse-batteuse labourer un champ.

Rien de plus. En apparence. À travers les rares paroles et la longueur des plans, quelque chose de ces personnes, avares de démonstrations sentimentales, exprime, finalement, une partie d’eux- mêmes. Pierre Creton n’est pas vraiment démonstratif, lui non plus. Mais si on cherche à voir au-delà de ce qui a été caché, alors on découvre que l’artiste réalise des œuvres plus intimes encore. Dans ses dessins de plans de jardins idéaux, désirés, rêvés, dans ses montages, dans ses photographies noir et blanc. Il ne m’aurait probablement pas parlé des photos si je ne les avais pas vues dans une exposition au FRAC Haute-Normandie. Elles montrent des maisons tristement banales : petits pavillons de banlieue des années soixante. Et dessus, écrit à la main, à l’encre sérigraphique, les noms d’illustres écrivains. Non, l’artiste me le précisera plus tard, il ne s’agit pas des maisons qui auraient pu leur appartenir, mais celles de leurs lecteurs. La littérature tient une place importante dans la vie de Pierre Creton. On a évoqué ses photographies, il y a aussi son dernier film dans lequel il met en scène son patron, lisant Kierkegaard. Ces séquences ponctuent le film, surtout consacré aux éleveurs chez qui il travaille. Un quotidien « littéraire » décalé, en somme : c’est ce qui intéresse Pierre Creton, un monde où la brutalité, l’authenticité ne sont pas absentes. Elles s’incarnent dans les œuvres autobiographiques de l’artiste, et oscillent entre le documentaire et le journal d’une part et la fiction d’autre part. Une façon de s’ancrer dans une réalité proche et dans le désir de s’en approcher encore.

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